Le
vin naturel
Je
sais que ce sujet est "à la mode" est donc que la plupart des gens
laissent passer des erreurs, soit par paresse, soit ou par ignorance.
1).
Le vin "naturel" est, à mon sens, une mauvaise terminologie. Aucun
vin n'est "naturel", car la nature, seule, est incapable de produire
un vin.
2).
Il y a un défaut conceptuel qui sous-tend les propos des défenseurs de ce type
de produit. La nature n'est ni bonne, ni mauvaise, elle existe, avec ses
défauts et ses qualités. Faites-vous larguer dans une jungle avec des tarentules,
serpents, alligators et jaguars, et vous m'en direz des nouvelles ! J'ai
parfois l'impression que cette affection retrouvée pour la nature
"pure" est inversement proportionnelle à la proximité de la vie
quotidienne de ses tenants avec la nature. Autrement dit, c'est un peu un truc
pour citadins faussement nostalgiques qui vivent un peu dans une bulle.
3).
L'homme fait le vin, pour l'homme. Il choisit, certes, ses techniques, plus ou
moins simples ou sophistiquées, comme sa manière de cultiver. Et l'amélioration
des techniques a permis de faire beaucoup plus de bons vins que par le passé.
J'ai 30 ans de métier dans le vin et je vous assure que la proportion de
mauvais vins est bien plus faible aujourd’hui que dans les années 1970/1980. Il
faut arrêter de jeter le bébé avec l'eau du bain !
4).
Seul le résultat (c'est à dire son plaisir) compte pour le consommateur. J'ai
servi, plusieurs fois, des vins dits "naturels" (et faits par des
producteurs connus dans ce microcosme) à des élèves en cours de dégustation à
plusieurs reprises. Ils les trouvaient très souvent désagréables et ne
voulaient pas les avaler par réaction de dégoût.
5).
Il faut aussi penser au consommateur et à la chaîne logistique qui affecte le
vin sur son parcours. Un vin doit avoir un minimum de stabilité lors du
transport et stockage intermédiaire. Sinon la France peut dire adieu à ses
exports qui lui sont pourtant essentiels.
6).
Je pense que c'est une très mauvaise excuse pour un vin mal fini, ayant des
défauts hygiène élémentaires, et parfois incapable de rester stable plus d'un
quart d'heure dans le verre de dire qu'il est "comme nous", c'est à
dire ayant des sauts d'humeur. Pour vivre bien en société, nous devons lisser
nos défauts, pas les exagérer puis dire "je suis comme ça". Sinon il
n'y a pas de société. Accepter que les vins aient systématiquement des
déviances, comme la pétillance quand ce n'est pas le style voulu, est, à mon
avis, une bêtise qui nous ramène 30 ans en arrière. On peut être pour un sol
vivant (travaillé ou pas) et une vigne saine, mais contre des erreurs de
vinification basique. Je connais, par exemple, bon nombre de très bons
vignerons qui sont revenu du "sans soufre". Le soufre, après tout,
est un produit "naturel", puisque 0,5% de la croûte terrestre en est
fait. Je n'irai pas nécessairement aussi loin que Didier Dagueneau (qui faisait
partie de ces "revenants") et qui disait que le soufre est la
meilleure chose qui soit arrivé au vin !
Enfin,
et pour conclure, le vin est complexe et je crains qu'il est impossible de
donner de recettes simplistes pour le "bon" vin.
J'aime
le vin comme vous, c'est pourquoi je prends le temps de vous dire ma pensée.
David
Cobbold
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